Je vois fleurir chaque semaine ce genre d’articles, et celui du HuffPost intitulé « L’IA m’a licenciée alors que j’étais prête à travailler toute ma vie » ne fait pas exception. Le titre claque. Il accroche. Il nous invite à cliquer. Et il fait ce qu’il est censé faire : générer du trafic. Mais une fois l’article ouvert, on comprend vite que l’IA n’a licencié personne.
Louise, l’héroïne du témoignage, est animatrice 3D. Elle a perdu son emploi, comme beaucoup d’autres, dans un secteur chamboulé par des technologies qui vont vite, très vite. Mais ce n’est pas l’IA qui a pris la décision de mettre fin à son contrat. Ce sont des humains, à la tête de studios ou d’agences, qui ont choisi de se passer de professionnels en pensant que l’IA pouvait suffire.
Et c’est là que le débat devient intéressant.
Chaque jour, je croise des gens qui se disent Community Managers, sans formation ni stratégie. Copywriters, sans véritable talent de plume. Développeurs, sans la moindre idée de ce qu’est une architecture logicielle. Designers qui empilent des templates Canva. Formateurs IA qui n’ont jamais confronté leurs idées à la réalité. Et maintenant, animateurs 3D qui génèrent des vidéos avec deux prompts.
Grâce à l’IA, tous ces profils peuvent produire quelque chose. Quelque chose de “pas trop mal”. Parfois même bluffant… au premier regard. Le succès est immédiat, l’illusion est complète. Et on s’imagine avoir trouvé la recette. Pourquoi continuer à faire appel à des experts ? Après tout, on a réussi à faire ce qu’on voulait, non ?
Mais c’est justement là que le bât blesse.
Ce que l’IA a permis, c’est d’abaisser le seuil d’entrée dans des métiers complexes. Plus besoin de comprendre, plus besoin de pratiquer, plus besoin d’échouer pour progresser : il suffit de formuler une demande.
Mais quand on ne maîtrise pas un métier, on ne voit ni les erreurs, ni les incohérences, ni les absences. On ne remarque pas le hors-sujet. On ne voit pas ce qui manque. On est simplement content du résultat, parce qu’on n’a aucun critère sérieux pour juger sa qualité.
Et c’est là que le professionnel devient essentiel.
L’IA n’est pas une menace. C’est un levier. Un amplificateur. Un multiplicateur de talent.
Alors imaginez ce qu’aurait pu faire Louise, animatrice 3D aguerrie, si au lieu d’être remplacée, elle avait été mise à la tête d’un studio augmenté par l’IA. Imaginez son savoir-faire combiné à une batterie d’outils intelligents, une équipe formée, des pipelines optimisés… Elle aurait pu gagner en vitesse, en qualité, en liberté créative. Elle aurait pu aller plus loin. Elle aurait pu former d’autres. Elle aurait pu innover.
Mais pour cela, il faut un choix humain. Celui de valoriser la maîtrise, pas de la contourner. Celui de confier l’IA à ceux qui savent ce qu’ils font — et non à ceux qui cherchent juste à faire vite, moins cher, ou “à peu près”.
Si nous voulons tirer le meilleur de l’IA, cessons de la considérer comme une menace ou une béquille. Mettons-la entre les mains de ceux qui savent, qui aiment, qui veulent faire mieux. Car l’IA, seule, ne remplace pas la maîtrise. Elle l’augmente. Et si nous parlions de votre metier augmenté ?